2020: l’année des paradoxes ?

Marquée par la crise sanitaire, 2020 est d’ores et déjà dramatique pour de nombreux secteurs d’activités. Le soutien massif engagé par l’Etat permet de limiter la casse mais risque de fortement peser sur l’économie de notre pays pour de nombreuses années. Faisons preuve d’optimisme cependant: cette pandémie va s’estomper (on l’espère ?!), une vie plus “normale” va reprendre et les choses ne seront (peut-être) plus tout à fait comme avant. Ces périodes de crise sont toujours des moments d’accélération des transitions (ce qui est parfois une bonne chose) et pour celles qui nous occupent, transition numérique, mutation du travail, démobilité, cela a été un sacré coup d’accélérateur !

Depuis plus de 10 ans maintenant, nous accompagnons les territoires et organisations dans leur transition numérique mais aussi vers ces mutations du travail pour favoriser notamment la démobilité et l’innovation. 2020 aura marqué une rupture sur ces sujets avec un développement massif du télétravail et des usages numériques. En quelques jours au mois de mars, près d’un tiers des salariés français ont basculé dans le travail à distance, passant une bonne partie de leurs journées derrière l’écran, parfois à enchaîner les visios.

Et ce télétravail très dégradé – il convient de rappeler que cela ne correspond pas à du télétravail classique qui est lui pratiqué de manière ponctuelle – a été, toutes les études le disent, assez bien vécu. Pourtant il est bien loin des standards : il était permanent (et il le demeure encore parfois), il devait parfois se concilier avec la garde d’enfants, voir la gestion de leurs scolarités et il a souvent été subi, non préparé par les organisations qui ont dû s’adapter en quelques jours ce qui a souvent créé un vent de panique pendant les 1ère semaines.

L’enquête que nous avons menée (pour accéder au rapport ou à l’infographie) pour le compte de l’ANACT (agence nationale de l’amélioration des conditions de travail) et le MEDEF AURA auprès de 2000 salariés pendant et à l’issue du 1er confinement montrait que près de 90% des répondants souhaitaient continuer, certes de manière plus ponctuelle (à raison de 2 ou 3 jours par semaine). L’autre élément notable dans cette étude, c’est que ce télétravail permanent, lorsqu’il est pratiqué dans un logement inadapté, à fortiori quand on n’a pas les bons outils et/ou compétences numériques, est très difficile à vivre. Même si cela ne concerne que 13% des salariés, cela plaide pour des lieux alternatifs au domicile en proximité de celui-ci, ce qui est une très bonne nouvelle pour le futur des espaces de travail partagés type coworking qui risquent de voir arriver de nouveaux clients sous réserve que les offres s’adaptent à la demande des employeurs (souvent très différente de celle d’un indépendant ou d’un créateur d’activité).

Mais c’est un autre paradoxe de la situation: de nombreux espaces de coworking et autres lieux de travail partagés sont en difficulté (ils ont dû fermer en mars / avril et n’ont pas encore retrouvé une fréquentation du niveau pré-confinement) et risquent de ne pas pouvoir bénéficier de ces nouvelles opportunités s’ils venaient à disparaitre dans les mois qui viennent. C’est ainsi que différents territoires (Métropoles, Département, Région) réfléchissent à des mesures de soutien d’urgence permettant de soutenir ces lieux pendant la tempête. Nous accompagnons plusieurs clients sur ces sujets pour essayer de trouver des mesures efficaces et pouvant être mises en œuvre rapidement.

Autre paradoxe, malgré les difficultés rencontrées par certains, de nombreux projets émergent. C’est un sujet qui a le vent en poupe et bénéficie par ailleurs de l’effet d’entrainement issu du dispositif Fabrique de Territoire qui permet d’obtenir des financements sur 3 ans. Nous avons accompagné plusieurs dossiers de candidature cette année (voir article consacré à ce sujet) alors que plusieurs projets sur lesquels nous avons travaillé par le passé ont déjà été labellisés, le Lab01 sur la Plaine de l’Ain ou le campus numérique de Lons-le-Saunier par exemple.

Autre effet notable de cette situation de confinement, le « désir de campagne » d’urbains qui ont parfois vécue très difficilement cette période dans des appartements en ville, souvent exigus. Même si cette attractivité du monde rural n’est pas nouvelle, elle est renforcée. Mais comme nous pouvons le constater dans une étude que nous conduisons actuellement pour la Banque des Territoires sur l’innovation dans le monde rural, ce dernier n’est pas uniforme et les dynamiques de développement sont très hétérogènes entre « ces mondes ruraux ».  De nombreuses innovations sont imaginées et peuvent parfois avoir des impacts forts pour traiter les défis – nombreux – de ces territoires sur des sujets clés comme la mobilité, l’accès au service, la santé, le commerce, l’attractivité, l’éducation et la formation, … Ces territoires disposent d’atouts mais aussi de contraintes spécifiques qui doivent être contournées pour pouvoir pérenniser les projets : disponibilité des infrastructures, adaptation des modèles économiques pour faire face à des marchés étroits, accès à des ressources souvent plus limitées (ingénierie, financement, compétences, …). Ce travail de réflexion pour identifier les leviers permettant de relever ces défis ainsi que les dispositifs locaux, régionaux ou nationaux (Petites villes de demain par ex) disponibles laissent cependant penser que des voies existent.

Les tiers-lieux et autres fabriques de territoire pourraient être le creuset de ces fabriques locales à innovations. Car elles permettent de mettre en réseau, de partager des connaissances et des compétences, de construire des communs, d’accéder à des équipements, d’expérimenter et d’accélérer les projets. Ces lieux sont très divers, s’adressent à des publics différents sur des thèmes eux-mêmes très variés : économie et entrepreneuriat, emploi et insertion, médiation et montée en compétences, culture et loisirs, … parfois un peu de tout cela. Nous avons publié il y a quelques mois les conclusions de nos travaux pour le Ministère de l’économie (DGE) et l’ANCT sur les ateliers de fabrication numérique (en gros, les tiers-lieux disposant d’un fablab). Cela se traduit par une analyse des caractéristiques de ces lieux, leurs impacts sur leurs territoires d’implantation et aussi des guides à destination des porteurs de projets ou des collectivités qui sont librement téléchargeables sur le site de l’ANCT. Nous avons participé à un webinaire de restitution organisé par l’ANACT à destination des territoires courant décembre avec les interventions de Pierre-Louis Rolle et Marc Laget pour l’ANACT et le programme « nouveaux lieux, nouveaux liens », Rémy Sellier de France Tiers-Lieux, Constance Garnier du réseau français des fablabs, les témoignages de Nicolas bard de Make ici et Stéphanie Quentin du lab 01.

Sur ce sujet des tiers-lieux, nous continuons nos accompagnements sur des études de marché et de faisabilité pour le compte de territoires ou porteurs de projets. Avec le développement de tous ces lieux, leur fédération pour créer des réseaux métropolitains, départementaux ou régionaux afin de créer de la mutualisation, de la  complémentarité et des communs est de plus en plus au cœur des réflexions des acteurs publics. Après avoir accompagné le Grand Genève, la Région Normandie mais aussi plusieurs parcs naturels régionaux sur ces sujets, nous intervenons actuellement pour les Métropoles de Lyon et de Liège en Belgique, le Département de l’Essonne en Ile de France ou pour l’Agence du numérique de la région Wallonne.

Cette année 2020 restera cependant particulièrement étrange pour notre cabinet, très éloignée de nos précédents standards : un ralentissement côté collectivités territoriales en raison des élections locales et du report du 2nd tour, mais plusieurs marchés avec des acteurs nationaux (Banque des Territoires, ANACT, Medef, …) et des missions en Belgique qui sont venus compenser cette situation. Une activité économique nationale qui fonctionne au ralenti alors que nos « sujets » transition numérique et mutations du travail sont fortement portés par cette situation. Des déplacements très fortement réduits, peu de terrains et donc peu de contacts « physiques » avec les acteurs locaux et nos clients (ce qui est pourtant au cœur de notre engagement) mais une situation qui nous a obligé à réinventer nos formats d’animation pour être capables de conduire nos missions à distance, tout en conservant des approches participatives. L’année des paradoxes en somme !

Cette année restera aussi marquée par l’arrivée de Maxime Fourcade (Voir l’article que nous lui consacrons) au sein de notre cabinet qui a rejoint notre équipe en septembre nous permettant d’ouvrir un nouveau site à Toulouse. L’occasion de développer plus fortement nos activités dans le Sud-Ouest où nous étions peu présents jusque-là. Une 1ère mission sur le SICOVAL avec Terre d’avance nous a permis d’intervenir sur la révision de la programmation de la zone numérique prévue sur la zone d’activités ENOVA. Là aussi, les effets de la crise se font sentir à la fois sur la capacité d’investissement des entreprises mais aussi sur la manière de repenser l’immobilier post-crise sanitaire.

Une année très difficile et pleine de paradoxes mais qui est peut-être l’occasion d’accélérer les nécessaires transitions en cours en levant une partie des résistances. Alors en avant pour 2021 !

Tout l’équipe d’Ocalia vous souhaite une année 2021 de relance !