Fabbike #2 : les fablabs artistiques

logo artistiquesOcalia a soutenu les 3 fabbikers de l’école centrale de Paris, qui ont parcourus, au cours de l’été 2016, près de 4000km en vélo, à la rencontre d’une trentaine de makerspaces à travers l’Europe : cet article fait suite à ceux publiés il y a deux semaines, que vous pouvez retrouver sur le blog. Trois des makerspace visités par les fabbikers peuvent être analysés sous l’angle de leur vocation artistique. Les makerspaces de cette catégorie se distinguent par les relations privilégiées qu’ils entretiennent avec les artistes, et la vocation qu’ils affichent de soutenir et accompagner les productions artistiques.

2 - carte artistiques

L’interactive Media Art Laboratory (iMAL) à Bruxelles, un centre de cultures et technologies digitales, héberge ainsi son propre fablab. Radiona, à Zagreb (Croatie), a été créé par un groupe d’artistes, et vise notamment à permettre à la ville de « retrouver » ses innovateurs, qui ont fui la dictature puis la guerre, en facilitant les échanges entre artistes et techniciens. Rampalab, à Llubjana (Slovénie), est un atelier d’artistes qui a incorporé des équipements pour un biolab et mis en place un partenariat avec un fablab proche pour bénéficier de ses équipements, le makerspace n’en possédant pas lui-même (il est équipé en tables et ordinateurs et de matériel de chimie de base, pour le biolab).

Le fablab de l’iMAL © e-bulles
Le fablab de l’iMAL © e-bulles

La place des artistes dans l’équipe est variable. L’iMAL propose des résidences d’artistes, accordées sur dossier. A Rampalab, les artistes participent à l’animation des ateliers, et deux artistes font partie de l’équipe de 7 personnes de la structure.

Dans leur présentation, chacun de ces espaces revendique sa particularité artistique par rapport à d’autres makerspaces existants dans leur ville d’implantation. Ces structures se servent de cette particularité pour assoir leur renommée dans le réseau des makerspaces. Ainsi, l’iMAL a organisé une exposition des œuvres belges en partenariat avec les autres fablabs. Sa dimension artistique motive les médias à le citer en exemple, comme Wired (USA), Artribune (Italie) ou Libération (France). Pour le Rampalab, c’est le partenariat avec l’artiste Jurij Krpan, reconnu en Slovénie, qui a participé à construire la renommée du makerspace.

Un atelier au Rampalab © Hana Jošić
Un atelier au Rampalab © Hana Jošić

Cependant, ces lieux demeurent des structures ouvertes largement : l’objectif reste d’encourager la création et la fabrication par tous types de publics, pas uniquement les artistes. Deux de makerspaces artistiques rencontrés par les fabbikers ont ainsi des projets de développement social en cours ou à court terme. Rampalab souhaiterait développer des ateliers à destination des enfants défavorisés et ceux éprouvant des difficultés à s’insérer dans le système scolaire. L’iMAL quant à lui est partenaire du projet Velo M², auquel participe également l’openfab (cf. article #1), visant à amener le concept des fablabs directement auprès des enfants défavorisés, et souhaite développer ses liens avec les associations à vocation sociale de Molenbeek (jouxtant le lieu). Ils sont déjà en lien avec le collectif Lutte contre les exclusions sociales (LES) et la maison des cultures et de la cohésion.

L’iMAL est également fréquenté de manière régulière par les étudiants en écoles d’art, et collabore avec les fablabs d’écoles d’ingénieurs tel que celui de Erasmus Hogeschool Brussel. A noter que certaines écoles d’arts hébergent des fablabs, intégrant ainsi la fabrication additive et la philosophie du détournement d’usage et de faire soi-même (do it yourself) à leur enseignement. C’est notamment le cas de l’Ecole Supérieure d’Art de l’Agglomération d’Annecy, qui a été accompagnée par Ocalia pour définir les scenarii d’évolution du positionnement de ce fablab.
Au niveau des modèles de financement, tous touchent des subventions publiques :

  • l’iMAL a touché du FEDER, et a mis en place des abonnements au mois ou à l’année (respectivement 45 et 200€), avec certains services payant en sus (10€/ heure d’utilisation de la découpe laser)
  • Radiona touchent des fonds du ministère de la culture, pour qui travaille la fabmanageuse, pour l’organisation des ateliers (il n’existe pas de subvention d’investissement), et propose un abonnement à 4,5€/mois
  • Rampalab est entièrement financé sur fonds publics (bourses et subventions)

Le maintien de ces lieux passe donc par la démonstration de leur utilité publique. Cette utilité peut s’apprécier à l’aulne de leurs actions sociales, que les trois makerspaces artistiques visitées par les fabbikers cherchent à développer. Compte-tenu de leur spécificité, l’utilité publique de ces makerspaces est avant tout définie par l’accès à l’art et à la culture qu’ils permettent. Au même titre que les écoles de musique ou de chant, ces lieux sont des ressources pour la création artistique. Enfin, la renommée de ces lieux, liée aux artistes qu’ils reçoivent (voire hébergent en résidence), contribue à la visibilité des territoires dans lesquelles elles sont implantées. Attirer la « classe créative », théorisée par Florida, est un des objectifs de ces lieux. C’est sur cette classe que reposerait le dynamisme des territoires, dans une économie du savoir.
En définitive, plus que le matériel de fabrication numérique à disposition, c’est la communauté artistique que ces structures peuvent rassembler qui importe, et sa capacité à rendre les habitants acteurs par le « faire », pour développer une citoyenneté active. L’identification des acteurs et réseaux culturels à mobiliser, et les liens à faire entre cette sphère de la société et le monde économique, sont à même de définir un positionnement original de ce type de lieux, y compris en milieu rural. C’est dans cette optique qu’Ocalia accompagne par exemple le projet Gare ! à Poix-Saint-Hubert (lire notre article du 25 janvier à ce propos), au cœur des Ardennes belges, avec une seconde phase en 2017 portant précisément sur l’identification des acteurs qui pourraient profiter d’un tiers-lieux ouvert, offrant des espaces de travail mais surtout de rencontre entre filières économiques clé et acteurs culturels. Son ouverture aux dynamiques entrepreneuriales territoriales est un élément distinctif par rapport aux lieux de diffusion et d’enseignement culturel « classique ». Ce projet de hub culturel propose une approche originale du développement économique par la culture et la valorisation des talents locaux.

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